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Améliorer l’accompagnement des enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance

Augmentation du nombre d’enfants à prendre en charge au niveau de l’Aide sociale à l’enfance, baisse du nombre d’assistants familiaux, placements non réalisés, ruptures dans les parcours des mineurs accompagnés et enfin sombres perspectives en cas d’augmentation de la précarité suite à la crise sanitaire. Des défis à relever en améliorant l’un des principaux dispositifs que gère le département.

 

Nous proposons de réduire le nombre de placements, très coûteux financièrement comme humainement, en favorisant le maintien des enfants dans leur milieu familial grâce au renforcement des dispositifs d’accompagnement (TISF, soutien scolaire, AED, AEMO, PEAD, services de suite, etc…)

Nous proposons également de mieux accompagner les enfants confiés, les assistants familiaux et de redonner aux travailleurs sociaux des conditions dignes de travail pour de meilleurs suivis éducatifs.

Contexte

L’une des grandes missions des Conseils départementaux, en matière d’action sociale, est la protection de l’enfance.

Elle représente un budget conséquent (98 millions soit 10% du budget total du CD29) en grande partie employé pour la prise en charge des mineurs confiés, en d’autres termes, les enfants placés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) par l’autorité judiciaire (Juges des enfants).

En 2020, dans notre département, 2110 enfants étaient confiés à l’ASE. Les principales modalités d’accueil étant :

  • 1138 en accueil familial
  • 418 en foyer
  • 195 en logement autonome
  • 87 en placement éducatif « à domicile »
  • 60 placements non effectifs
  • Quelques dizaines en hôtel (principalement pour des Mineurs Non Accompagnés – MNA)

Comme partout ailleurs en France, les départements sont confrontés à des difficultés grandissantes :

  • baisse du nombre d’assistants familiaux (familles d’accueil)
  • placements non réalisés
  • parcours émaillés de ruptures successives pour de nombreux enfants

Assistants familiaux, une profession peu attractive

Chaque année, le nombre d’assistants familiaux (AF) baisse. Changement d’orientation professionnelle, retraite, les motifs sont divers.

Quoi qu’il en soit, les départs ne sont pas compensés par les entrées, tant il est difficile de recruter de nouvelles familles. Actuellement, environ 650 assistants familiaux travaillent pour le département.

Ce dernier a lancé des campagnes de recrutement, mais sans succès.

On peut mettre ce faible attrait pour cette profession sur le compte d’une rémunération insuffisante comme peut le dire un collectif d’assistants familiaux nouvellement crée.

Autre raison probable du manque de désirabilité de cette profession, le manque d’accompagnement par les travailleurs sociaux de l’ASE. Nombre d’AF se sentent très isolés, peu soutenus par les référents ASE et démunis face à la détresse de certains enfants qu’ils accueillent et qui manifestent leur souffrance par divers troubles parfois extrêmement difficiles à accompagner dans le quotidien.

Cet état de fait a notamment pour conséquence que lorsque des pratiques d’AF manquent de professionnalisme, on accorde une moindre attention aux écarts, on est moins exigeant et on peut parfois continuer à travailler avec des familles que l’on remercierait rapidement si l’on avait un vivier d’accueillants plus grand.

Des placements non réalisés

Cette situation de manque de lieux d’accueils, couplée à une quasi disparition des hospitalisations en services spécialisés (pour des questions idéologiques et surtout économiques) et à un manque structurel de places en établissements éducatifs spécialisés peut conduire des enfants à demeurer dans des situations de danger.

En effet, bien qu’à l’issue de réflexions éclairées, des juges des enfants ordonnent le placement de mineurs au regard du danger que représenterait leur maintien dans leur famille, des enfants demeurent pourtant chez eux, faute de place adaptée. Ils sont actuellement 60 dans le Finistère.

La responsabilité de ces enfants repose sur le département qui ne parvient pas à les prendre en charge.

Aucune institution, aucune association, n’a de solution miracle. L’actuel département a lancé récemment un appel à projet pour la création d’un nouveau dispositif qui va prochainement voir le jour dans le sud Finistère avec la création de 7 places dans des lieux alternatifs spécialisés, pour un coût total annuel de 1,4 millions d’euros.

On mesure dans cet exemple combien les moyens soustraits aux services publics (par exemple aux hôpitaux psychiatriques) font rejaillir des responsabilités et des charges financières très lourdes sur les départements.

Des parcours émaillés de ruptures

La question du placement soulève de nombreuses questions dans le parcours des enfants.

Ces décisions difficiles sont toujours soupesées avec le plus grand sérieux par les magistrats, qui peuvent être éclairés par différents dispositifs d’aide à la prise de décision (enquêtes sociales, expertises, rapports des services socio-éducatifs investis dans l’accompagnement des enfants et des familles).

Une fois un placement ordonné, l’acceptation par l’enfant de sa nouvelle situation est rarement aisée. Les conditions ne sont pas toujours réunies pour qu’il s’épanouisse dans son nouveau lieu de vie, à commencer par la possibilité de se défaire d’une certaine loyauté à l’égard de sa famille biologique et à s’autoriser à « s’installer » et à bien se sentir dans cette famille provisoire.

Des enfants ont alors parfois tendance à minimiser ou à « mettre de côté » les difficultés qui avaient conduit au placement.

Des tensions peuvent également surgir dans un environnement familial au fonctionnement différent.

Par ailleurs, l’éloignement de l’enfant d’avec sa famille entraîne souvent, de fait, un apaisement des tensions avec ses parents et une réduction des troubles. Le temps permet également d’amoindrir certaines difficultés.

Pour autant, les causes intrinsèques des difficultés qui ont causé un placement ne disparaissent pas nécessairement. Le travail d’accompagnement des enfants d’une part, de leur famille naturelle d’autre part, est extrêmement difficile « hors contexte », hors de la cellule familiale. Travail d’autant plus complexe à conduire par les référents de l’ASE au regard de leur charge de travail. Dans le Finistère, un référent doit accompagner environ 35 enfants (à rencontrer régulièrement, ainsi que leur famille naturelle, leur famille d’accueil, leur école, etc…).

Cette situation entraîne très souvent le fait qu’au moment de réviser sa décision (généralement au terme d’une année) le Juge des enfants, bien qu’ayant parfois des doutes, ordonne le retour du mineur chez lui (la place « normale » de l’enfant à privilégier étant dans sa famille naturelle et les éléments permettant de certifier que les conditions de danger existent toujours au domicile parental étant parfois ténues).

Si les difficultés n’ont pas été travaillées, les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, les situations familiales se dégradent et conduisent à un nouveau placement quelques mois ou années plus tard.

Certains enfants connaissent ainsi des parcours faits de ruptures successives, passant d’une famille à une autre, d’un foyer à un autre, avec les effets délétères que cela peut avoir.

Des pratiques professionnelles à faire évoluer

Si globalement le système français de protection de l’enfance fonctionne bien, certaines pratiques et certaines idéologies normatives sont « contre-productives ».

Dans un sincère souci d’offrir le meilleur à de nombreux enfants, certaines pratiques sociales défendent des façons de vivre très normatives.

Si les familles n’offrent pas des conditions de vie parfaitement sécures, beaucoup de professionnels des départements « encouragent au placement ».

Alors que les familles, toutes catégories sociales confondues, sont touchées par les difficultés de la vie (chômage, ruptures, difficultés psychologiques, difficultés à élever des enfants, perte de repères, etc…) et que la souffrance se manifeste diversement (violences psychologiques ou physiques, addictions, etc…), les dispositifs d’aide ne sont pas suffisants pour les soutenir.

Certaines familles – qui peuvent avoir eu elles-mêmes des parcours individuels carencés ou simplement avoir rencontré des accidents de la vie – ont des responsabilités éducatives extrêmement lourdes que la société, par ses institutions, leur rappelle. Il est exigé qu’elles prennent mieux soin de leurs enfants à défaut de quoi la société peut les suppléer. Mais cette suppléance est malheureusement parfois défaillante.

NOS PROPOSITIONS

 

Améliorer le travail de prévention pour

  • réduire le nombre de placements et donc la pénurie d’AF (et donc le nombre de placements non réalisés)
  • réduire les situations de ruptures dans le parcours des enfants
  • Mieux accompagner les assistants familiaux en renforçant les moyens des référents ASE pour apporter plus de soutien et de considération pour le travail difficile des assistants familiaux
  • Rendre plus attractive cette profession
  • Mieux traiter les professionnels de l’ASE en réduisant leur charge de travail et leur permettre de réaliser des accompagnements plus efficients

Il existe de nombreux dispositifs d’accompagnement éducatif de prévention (actions essentiellement menées par les services sociaux du département avec l’accord des familles) ou de protection, ordonnés par des juges des enfants (avec ou sans le consentement initial des familles, actions menées par des équipes de travailleurs sociaux exerçant dans des services associatifs, habilités par les départements et qui assurent par délégation ces missions de protection de l’enfance).

Il s’agit d’actions d’accompagnement des familles et des enfants, à domicile, pour tenter de résoudre avec eux les situations qui mettent en danger ces enfants.

Comme on l’a vu plus haut, dans de nombreux cas, lorsqu’un accompagnement est exercé dans une famille, les changements ne vont parfois pas assez vite. Il faut du temps et beaucoup d’aides pour que les choses puissent évoluer positivement ; aides matérielles et financières, écoute et compréhension des dynamiques à l’œuvre, des freins, des potentiels, conseils à la parentalité, soutien et travail psychothérapeutique des parents ou des enfants, interventions d’aides à domicile et de travailleuses d’intervention sociale et familiale, aide aux devoirs, etc…

Il est fréquent que les dispositifs d’aide et d’accompagnement n’aient pas les moyens suffisants pour être présents dans un certain nombre de familles. A cela s’ajoutent les carences de l’Etat qui conduisent à l’absence de places en établissements spécialisés (IME, DITEP, etc…) ou encore le manque de moyens pour les AVS en milieu scolaire, pour les psychologues dans les Centres Médico Psycho Pédagogiques, etc… (la liste pourrait être longue)

La pression des services départementaux voire parfois de l’autorité judiciaire sur les familles est forte pour que les changements soient plus rapides. On demande aux familles d’exercer leurs responsabilités parentales avec rigueur dans un environnement qui ne les y aide pas suffisamment (manque d’emploi, violences symboliques, carences de l’Etat, de l’ARS, etc…).

Des placements sont ainsi décidés alors que l’on peut considérer que leur coût est absolument exorbitant.

Coût humain important car un placement, s’il est souvent salvateur et nécessaire, est parfois une rupture douloureuse qui laisse des traces et car la succession de placements peut gravement déstabiliser des enfants et leur famille.

Coût financier car un placement coûte cher à la collectivité (environ 50 000 euros par an en famille d’accueil – beaucoup plus en établissement).

Si une très grande part des placements demeure nécessaire, il serait bien souvent préférable pour une part d’entre eux de mettre plutôt les moyens sur les dispositifs d’accompagnement en amont, quitte à ce qu’ils soient durables durant une grande partie de l’éducation des enfants ; développer et maintenir des étayages concrets, pallier quand c’est nécessaire, soutenir les travailleurs sociaux pour qu’ils travaillent davantage sur les causes des difficultés plutôt que sur les symptômes directs.

Ces étayages coûtent chers mais beaucoup moins que des placements en établissements ou familles d’accueil.

Nous augmenterons les moyens alloués aux dispositifs d’accompagnement financés par le département, pour que nombre d’enfants puissent continuer à vivre dans leur famille dans des conditions correctes. Cela réduira les ruptures majeures dans les parcours de vie ainsi que le coût financier des placements.

Réduire le nombre de placements permettra de résorber le manque de places en familles d’accueil et donc amoindrira le nombre de placements non réalisés.

Mieux accompagner les assistants familiaux en renforçant les moyens des référents ASE

Les référents de l’ASE, travailleurs sociaux chargés notamment de l’accompagnement des assistants familiaux connaissent une charge de travail inhumaine, noyés par l’administratif, contraints de parer au plus pressé et de ne travailler que dans l’urgence, le tout avec un travail de réflexion clinique pluridisciplinaire réduit à la portion congrue.

Il n’existe en effet quasiment pas de temps de travail en équipe pluridisciplinaire au sein des Centres Départementaux d’Action Sociale (par exemple 2 créneaux horaires de 1h30 par semaine pour 11 professionnels – réf ASE et assistants sociaux – qui interviennent auprès de plusieurs centaines de personnes, 1h30 permettant d’analyser en profondeur et de définir des axes d’’intervention pour environ 2 situations familiales).

Nous augmenterons le nombre de professionnels et les temps de réflexion clinique sur les situations accompagnées.

Enfin, chaque famille d’accueil doit pouvoir compter sur un référent ASE lorsqu’elle est en difficulté et faire des points plus réguliers avec l’équipe qui l’accompagne afin de voir reconnue la dureté du travail à mener, de trouver ensemble des solutions, des manières de répondre aux problèmes rencontrés, de trouver des situations de relais en cas d’épuisement, etc…

LE CALENDRIER

Dès le 1er janvier 2022, nous proposerons à certains services et associations partenaires d’augmenter leurs habilitations pour permettre l’augmentation des dispositifs de soutien aux familles.

Dans le même temps, nous augmenterons significativement les moyens humains des professionnels accompagnant les enfants confiés, leurs familles et les assistants familiaux.

 

Liens utiles :

Vidéo vers les missions de l’ASE
https://www.youtube.com/watch?v=4EOLN5-JveU

Vidéo sur la politique enfance et famille
https://www.youtube.com/watch?v=Zavf9HwCfv4

Page du CD
https://www.finistere.fr/Le-Conseil-departemental/Les-missions/Enfance-Famille